Attachés à notre métier ? (15/09/2014)
A quoi sert un attaché d’administration ?
De tous les grades de la fonction publique, il y en a peu qui disent aussi peu le métier et autant la subordination à l’employeur que celui d’attaché. Un administrateur administre, un ingénieur s’ingénie, une secrétaire garde les secrets mais un attaché est tout entier dans son lien : « personne liée à une autre, à une profession, à un lieu, à une chose par des rapports de dépendance (intérêt, dévouement, habitude, travail, etc. » (TLFi). Au moins les attachés parisiens peuvent reconnaître ce lien aux « administrations parisiennes » comme à un lieu, à un écotype, mais pas à une activité.
La tendance chez les attachés est à la spécialisation : finance, RH, droit et le reste. Nous ne sommes pas comme les A majuscules, spécialistes des questions générales et depuis longtemps déjà nous nous trouvons facilement pris dans ces filières, sans pouvoir en sortir ni même y entrer, comme si la notion de corps de fonctionnaires cachait une division des tâches qui ne dit pas son nom. Un coup d’œil rapide nous en convainc : de la vingtaine de postes d’attaché offerts au moment où nous écrivons, aucun ne réclame de spécialité. Chaque membre du corps est donc supposé accéder à tout.
Pourtant, nous savons bien que presque chaque recruteur demande plus que des notions du domaine considéré et qu’au moment du choix, il parie généralement moins sur la capacité d’apprentissage et de renouvellement que sur la loi de l’habitude. Nous connaissons tous, et de plus en plus, ce risque d’enfermement et la difficulté d’articuler une stratégie professionnelle qui ne nous limite pas. Mieux vaudrait donc se demander si le « sans spécialité » ne cache pas notre vraie spécificité et le défendre.
L’ exposition qui s’est achevée récemment au Grand Palais nous propose une réplique de la res gestae d’Auguste : Res gestae Auguste
Cet empereur que sa légende montre laissant une Rome de marbre après l’avoir prise de briques est celui qui le premier pose le principe de l’action, et de son résultat, comme ordonnateur du monde : j’ai fait. C’est la source de l’ad-ministrum et de l’action comme une technè. Le siècle d’Auguste est celui des ingénieurs et des administrateurs, de l’organisation, de la rationalisation et de l’extraordinaire productivité d’une civilisation qui avait l’atout majeur de savoir mettre en oeuvre.
Et si nous pouvions nous dire fièrement gestionnaires ? Constituant un savoir apparemment hybride, fait de droit, d’économie, de méthodes, d’approches plus ou moins empiriques de l’être humain, nous construisons des objets plus ou moins durables, plus ou moins ambitieux, plus ou moins compris: des organisations. Nous fabriquons plus qu’un architecte qui ne construirait pas : nos objets de gestion se fondent dans cette compétence pas moins autonome qu’une autre, la gestion. Cela suppose la reconnaissance de ces objets, de savoir affirmer que gérer ce n’est pas qu’appliquer des directives et des recettes, que c’est une réflexion renouvelée dans chaque situation.
Cela suppose que nous reconnaissions nous-mêmes ces savoirs, que nous les affirmions et soyons capable de les renouveler.
A ces deux conditions, nous pourrions aussi défendre une manière de faire, héritière de la res gestae qui serait une manière de prendre soin des choses ce qui rappelle aussi le care : Care_Sciences sociales. Ce pourrait être aussi une manière de réduire l’angoisse du management intermédiaire, entre le marteau et l’enclume en posant que nous sommes là pour que les grands objectifs des uns s’accomplissent dans le respect des autres.
Alors, attachés à notre métier ?
Pour aller plus loin sur ce sujet :
DAVID (A), HATCHUEL (A), LAUFER (R), Les nouvelles fondations des sciences de gestion, Mines ParisTech, 2012
Pour aller plus loin sur ce sujet :
DAVID (A), HATCHUEL (A), LAUFER (R), Les nouvelles fondations des sciences de gestion, Mines ParisTech, 2012
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