Maltraitance managériale : la responsabilité de l'employeur (02/03/2015)

maltraitance.jpgLa maltraitance managériale, que l'on pourrait également qualifiée de harcèlement psychologique au travail, est "une violence répétée mise en œuvre par une ou plusieurs personnes à l’encontre d’une victime afin d’atteindre son seuil de déstabilisation pour mieux instituer son aliénation. Il porte atteinte à la dignité, à l’intégrité physique et psychique de la victime. Il est aggravé quand il est mis en œuvre par une ou des personnes ayant autorité sur la cible.

 

Il s’agit, sur les lieux de travail, d’un comportement offensant, toujours imprévisible, irrationnel et injuste par lequel une ou plusieurs personnes visent à rabaisser, de façon persistante, un ou plusieurs salariés par des moyens malveillants et humiliants.

Le harcèlement psychologique au travail est un processus institutionnel. À ce titre, il véhicule un discours manifeste ou latent qui traverse tous les acteurs de la collectivité professionnelle et qui révèle les mentalités à l’oeuvre au sein de celle-ci.

Les harcelés se situent souvent du côté de l’authentique et deviennent rapidement un corps étranger dans un collectif de travail plus docile. L’attaque exercée contre eux porte sur une posture : le juste et l’injuste, le vrai et le faux, le bien et le mal.

Le harcèlement moral doit être mis en relation avec le mouvement d’accroissement des performances exigées des salariés. Il implique le déploiement de puissants leviers de pression, de disciplinarisation et d’individualisation dans les relations de travail. Le harcèlement moral peut contribuer à améliorer la « conformité » du personnel aux exigences de l’entreprise. Il peut aussi devenir un moyen de « faire rentrer dans les rangs » des personnes considérées comme peu conformes ou, par défaut, de se débarrasser d’elles."*

 

Marie-France Hirogoyen, dans son ouvrage Malaise dans le travail, harcèlement moral, démêler le vrai du faux, distingue quant à elle harcèlement moral et maltraitance managériale. Selon elle, les procédés de harcèlement visent habituellement un individu, en cherchant à l'atteindre dans sa dignité. Ils sont souvent cachés ou faits à l'insu des autres membres d'une équipe tandis que la violence de cadres pratiquant la maltraitance managériale est visible de tous et repérable par tous. Tous les salariés sont indifféremment maltraités, tous sont susceptibles de subir des pressions.

 

Rappelons que l'Article L 1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral de la manière suivante : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

 

Hélas, la Ville de Paris n'est pas épargnée par ces méthodes indignes, qu'on les qualifie de maltraitance managériale, harcèlement psychologique ou harcèlement moral. C'est même parfois le tout à la fois, par exemple lorsqu'un** chef de service se livre publiquement au harcèlement. Les soutiens devraient alors se trouver auprès du** chef du service des ressources humaines, du** sous-directeur et du** directeur, mais au mieux ils minimisent au pire ils contribuent. De même l'entourage du chef de service qui, non conscient d'être manipulé, pratique aussi - parfois sans mauvaise intention personnelle de nuire mais nul besoin de prouver l'intention pour qualifier la faute - ces agissements contestables. Ils engagent tous leur responsabilité, et ce d'autant qu'ils agissent en toute conscience ayant nécessairement pris connaissance voire contribué à la rédaction du Guide des risques psycho-sociaux (RPS) édité par la DRH.

 

La Ville de Paris en tant qu'employeur, doit répondre à certaines obligations : elle l'a fait en éditant ce guide des RPS et en mettant en place des dispositifs de médiation dans les directions et en central à la DRH. En ce qui concerne les médecins de prévention, ils écoutent certes mais leur soutien est limité voire contre-productif lorsque le lien de subordination fonctionnelle (par rapport à la direction dont ils ont la charge) prime alors même que le code de déontologie médicale leur garantit l'indépendance. Quant au service d'assistance psychologique, il est très rare de pouvoir obtenir un rendez-vous en urgence ... Mais notons au passage que toutes les victimes n'ont pas besoin de recourir aux services d'un médecin ou d'un psychologue, même si l'administration tente de les faire passer pour "fragile".

 

Par ailleurs il est de bon ton, à l'arrivée d'un** nouveau directeur - actuellement tous  issus du cabinet de la Maire de Paris - d'annoncer aux syndicats qu'un travail sera engagé dans les mois à venir sur les souffrances psychologiques au travail. Mais ne faudrait-il pas commencer par ne pas y participer, et condamner ceux qui s'y appliquent y compris parmi "sa garde rapprochée" ?

 

C'est une prise de risque importante, tant le guide des RPS reprend clairement certains points de droit et rappelle les obligations de l'employeur.

 

Ainsi au titre de l’article 2-1 du décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale  modifié, les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité.

 

La jurisprudence comme la doctrine soulignent l’importance majeure du droit à la sécurité et à la santé dans le travail, engageant la responsabilité de tous ceux qui sont à même, par leur formation et leur possibilité, de la mettre en œuvre.

 

Quant au harcèlement moral, le guide précise que le juge doit évaluer l’intentionnalité et le caractère professionnel du harcèlement. La position du supérieur hiérarchique constitue une circonstance aggravante et caractérise une faute grave. Ce document rappelle également un arrêt de 2009, de la Cour de cassation qui a adopté une conception large du harcèlement en considérant qu’il peut être constitué indépendamment de l’intention de son auteur.

 

Ceci étant posé, il est assez étrange que ces comportements perdurent, voire s'amplifient notamment avec l'usage intempestif des nouvelles technologies ... Mais en cas de contentieux, la Ville de Paris dépêchera très certainement le meilleur avocat à ses top managers, les légitimant ainsi dans leurs agissements pervers.

 

 

 

* extraits de l'article : https://exploratioexplorator.wordpress.com/violence-psychologique-et-morale/le-harcelement-psychologique-au-travail/

** afin de ne pas alourdir la lecture on évitera la féminisation bien que les femmes ne soient pas exemptes.


 

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